Lofoten et Cap Nord en camping-car

Publié le par Philippe Thévenet

LOFOTEN et CAP NORD
Eté 2003 (du 25 juillet au 24 août)
Pour les photos voir le lien

 Nullement découragés par les grandes eaux hongroises et roumaines de l’été 2002, nous avons persévéré vers le Nord, démultipliant même nos ambitions, avec un objectif de prestige, en la «personne» du Cap Nord. Bien nous en a pris, le soleil, omniprésent, nous a permis d’apprécier, à sa juste valeur, la nature sauvage et les paysages colorés de Scandinavie. Un excellent choix alliant fraîcheur, appréciable en ces périodes de canicule, et dépaysement lapon avec ses forêts, ses fjords et ses lacs.

 

 
Vendredi, en fin d’après-midi, le départ est donné. Oubliant bien vite les tracas du boulot, nous traversons le Massif Central, avec cette impression d’aller à contre-courant du flux dense des vacanciers. Pour cette première étape, l’équipe est réduite, seul Vivien (16 ans) nous accompagne. Mais dès la Meuse, la famille se retrouve au complet, avec Aymeric (18 ans) et Maxence (13 ans). « Bouffer » des kilomètres, par des relais efficaces et rapides, Dany et Philippe atteignent, dimanche soir, le port danois de Robyhaven, pittoresque halte après le ferry, et première baignade en eaux nordiques. A peine ralentis par quelques bouchons suédois et une longue halte -pêche et cueillette- au bord du lac perdu de Storsjoon (route «isard futé » cherchant des myrtilles), nous arrivons, mardi soir, à Trondheim, point le plus au nord de notre périple de 1993, qui nous avait permis de découvrir, en bonne partie sous la pluie, Copenhague, Oslo, les fjords et les glaciers du Sud-Ouest norvégien. Loin de notre souvenir, tranquille et paisible, d’une Cathédrale superbe et d’entrepôts sur pilotis colorés, Trondheim apparaît, aujourd’hui, vive et animée, un festival de musique remplit ses rues et son port, de jeunes et de concerts. Un parking, agréablement situé le long des canaux, nous héberge pour la nuit, on se sent presque marin. Objectif Nord, une halte rafraîchissante nous permet d’admirer les gravures rupestres de Bolarein : renne, ours, oiseau et, surtout, un skieur de près de 6.000 ans (aux longs skis non paraboliques). A midi, le musée de Lakvakvarium nous permet d’apprécier le saumon sous tous ses aspects, nous admirons notamment, à proximité des cascades, leurs sauts et leurs figures alambiqués. La route devient plus montagnarde après Mosjoen, avec lacs incrustés et sommets enneigés. Quelle féerie de verts, de couleurs, de nuages, rares, mais vivement colorés, d’eaux bleues, vertes, argentées, luminescentes. Un feu, face à un lac de «carte postale», permet de faire griller des côtes de porc, et Aymeric, galvanisé par le spectacle du matin, s’essaye à la pêche avec une réussite mitigée, une première truite, relâchée, et l’accrochage d’un rail immergé, nécessitant un bain glacial et nocturne.

Jeudi 31 juillet, j’ai bien failli rater le cercle polaire, marche arrière pour prendre notre petit-déjeuner, sur ce parking à la fois symbolique et touristique. Paysage pelé, désertique, univers de pierres, de neige et de cairns. Même le temps s’avère de circonstance, avec pluie, froid et vent. Mais, bien vite, pour notre grand plaisir, les arbres et le soleil réinvestissent la scène, accompagnés des premiers lapons en costume. Fauske constitue une étape technique de choix, le bureau du tourisme nous apprend que les réservations ne sont pas nécessaires pour le ferry Bodo-Lofoten, un supermarché et une aire camping-car permettent de se réapprovisionner, avec, en prime, la visite du petit musée de plein air. L’attente à Bodo est courte, juste le temps du repas, et la famille embarque pour quatre heures de croisière, grisée par le spectacle, le soleil et le vent. Dignes de leur réputation, les Lofoten apparaissent en un mélange harmonieux de mer et de montagne, souligné par les maisons rouges des pêcheurs de morue. Et leur visite commence par le début, Â et son parking nous accueillent pour deux nuits. Les gars installent leur tente face à la mer, entre rochers et mer, première morue, cris des mouettes, virée en vélo, baignades, achat de saumon…quel dépaysement international ! Le soir, il ne reste que 10 véhicules, mais représentant tout de même 8 nationalités différentes.

La découverte de l’île nous émerveille sans cesse. Reine, la bien nommée, digne inspiratrice des artistes, étonne par ses contrastes et ses couleurs ; Sund apparaît, perdu et pittoresque. Flakstad nous invite à la baignade par sa plage de sable fin, ses dauphins et ses eaux émeraude. Un bain, certes un peu frisquet, mais si agréable que toute la famille en profite. A Nusfjord, la pêche prend toute sa dimension, village de rorbuer écarlates sur pilotis où, parmi des senteurs prégnantes, des milliers de morues séchées sont triées et conditionnées. Avec une sensation de crique turque ou ionienne, les eaux turquoises de la plage d’Haukland, près d’Uttakleiv, apparaissent entre les falaises, constituant un idyllique bivouac, face à la plage ou après le tunnel (village agricole d’Uttakleiv au péage réduit). Grillades, nuit à la belle étoile, baignade, crêpes…un coucher de soleil multicolore et tardif, la nuit tarde à venir, ne vient pas. Le matin, Dany traverse le tunnel en camping-car, tandis que Philippe et Vivien contournent à pied la pointe par le chemin côtier. Randonnée sauvage où seuls quelques moutons, grèbes et oiseaux marins animent le paysage. Un beach-volley acharné, suivi d’une prompte baignade, réchauffent tout un chacun. La virée se poursuit par Steine et Stamsund, puis par une route aux goûts de bout du monde, jusqu’à un parking sauvage à Eggum (après un petit péage). Toujours cette succession de fjords, de petites maisons chatoyantes, ce mélange, si particulier, de ciel et de mer, aux reflets irisés, parfois souligné par les originales créations, in situ, du paysage sculptural du Nordland (tête de Marcuse Raetz à Eggum). Henningvaer, la «Venise du Grand Nord» charme par ses pontons en bois, ses bateaux et ses maisons de pêcheurs, suivent le petit port de Kabelvag et les achats à Svolvaer, pour se réapprovisionner, notamment en saumon et en pâtisseries norvégiennes.

Déjà le 4 août, il est temps de changer d’îles. Lors de l’attente du ferry vers les Vesteralen, à Fiskebol, nous rencontrons de jeunes suisses sympathiques, réalisant «notre» périple en sens inverse, et les informations qu’ils nous ont données nous furent, par la suite, particulièrement utiles. Ainsi dopés, nous visons Sto, au bout de l’île, en vue de réaliser un safari baleines. Un bateau de pêche spécialement équipé, un petit musée pour les explications préalables et, une quarantaine de passionnés embarque pour le voyage. Une journée mémorable où les intermittents ont tenu leurs rôles, quel spectacle faunistique ! Dès la première île, les phoques et les oiseaux ont animé la mer, le ciel et les rochers. Des macareux au bec de clown à la majesté du Pygargue à queue blanche (white eagle), ils planent, volent, nagent, plongent, isolés ou en groupe, cormorans, grandes labbes, grèbes, huitrier-pies, fous de bassan …un véritable festival ! Puis, les vifs marsouins s’invitent de la partie, transition appréciée maintenant en haleine. De plus en plus gros, d’abord les globycéphales noirs, en couple, en groupe, sont suivis, côtoyés, approchés à l’extrême, des dos, des ailerons, des têtes et des queues dressées, plus d’une heure de défilé. Enfin, le bouquet final, les cachalots mâles, repérés au loin par leurs jets de bruine, approchés, évoluent tout en grâce et puissance, près de cinquante tonnes ondulent et, brusquement, lèvent la queue et plongent pour un bon quart d’heure.

Déjà 19 heures et le retour, encore pleins d’images, la virée se poursuit vers l’ancien village de pêcheur de Nysksund, Dany et le domobile par une piste aventurière, Phil et Aymeric par le rude chemin côtier, avec son panorama, ses plages, ses myrtilles… A Andeness, un ferry nous permet de rejoindre l’île de Senja, son fjord et le petit port de Gryllefjord. Puis, apparaît la presqu’île d’Ham, très pittoresque, avec son chapelet d’îlots et ses eaux vertes. De nouveau sur l’E6, la route principale, les domobiles réapparaissent en nombre, allemands, norvégiens, italiens, mais très rarement français. La route longe des fjords aux eaux bleu-vert, livrant, souvent, des aires avec des tables de bois très pratiques ;  et même si la température diminue, les repas, petits déjeuners compris, sont souvent pris dehors. Alors que la végétation se raréfie et se nanifie, les rênes font leur apparition. D’abord lointains et dispersés, ils deviennent vite partie intégrante du paysage, coiffés de bois aux ramifications surprenantes. Gildestum, superbe point de vue, voit nos premiers achats samis. Intrigués par des cueilleurs, nous goûtons même les lakkas ou mûres orangées des marais. Nous apprécions notre premier camping, à Repparfjord, sur la route d’Hammerfest, ses douches chaudes, ses cascades, ses myrtilles, ses champignons…Un tunnel à péage (cher pour les plus de 6 mètres) et nous sommes, enfin, sur l’île du Cap Nord. Le bout nordique de l’Europe, certes touristique avec son musée et son «cinéma », mérite le voyage, une falaise surmonté d’un globe, et chacun laisse voguer ses pensées, au gré de ces images symboliques de soleil et de mer.

Mais sur notre gauche, le Knivskjelodden nous nargue, de peu, certes, il se révèle plus septentrional avec ses 71°11’ 08. L’expédition est rapidement décidée, organisée, départ vers 19 heures pour un bivouac sauvage. Sacs sur le dos, nous arpentons, bientôt, un sentier cairné sous l’œil de rennes étonnés. Ambiance de raid, vent, fraîcheur, même un peu de pluie, le Cap Nord se dégage peu à peu. Cette fois au Nord, la tente est dressée, à l’extrémité de la pointe, dans des conditions montagnardes. La nuit est brève, une clarté ambiante persiste, même si le soleil de minuit nous échappe, vu la période et les nuages lointains. La nuit est courte, surtout pour Aymeric et Philippe, quelque peu transis en l’absence de duvet. La nuit est belle, tout simplement, en cette solitude sauvage de «cime » conquise. Le minuscule port de Skarvag nous héberge pour un repos mérité, sieste et bonne, bonne nuit ! Par une route déserte et sauvage, nous rejoignons Gjesvaer pour le petit déjeuner, puis Honningsvag pour l’achat de quelques souvenirs. La halte de midi sous le panneau « Nordkapp Kommune » s’avère une pêche mémorable, valorisant dignement, voire en petits morceaux,  les cannes de Richard. Après Karasjok, pour récupérer «quelques » couronnes de Free Taxes, nous arrivons en Finlande. Aymeric, motivé, tente la pêche nocturne du saumon dans la vallée, pourtant réputée, de la Teno. Un coin super est découvert 20 km avant Utsjoki, mais aucun saumon ne daigne se faire prendre et le permis, cher, à 20 euros la nuit, est bien loin d’être amorti ! Une route déserte, un départ matinal et…3 élans massifs et prestes apparaissent près d’un marais ; réellement sauvages, ils changent des rennes, devenus si communs qu’une collision en est même évitée de fort peu. Intéressant, instructif, passionnant : des pièges à loups aux vidéos de pêche, des utilisations vitales du renne aux coutumes millénaires, le musée samé d’Inari surprend par sa richesse et sa modernité. Tant et si bien, que les lounas suivants (repas à 5 euros) seront un ragoût de renne et des poissons grillés.

Déjà le 12 août, à 14 heures, nous arrivons au camping Ukonjarvi, vers Ivalo, très agréablement situé et bien équipé. Et nous en profitons, de la virée en barque au barbecue sous cahute, du lave-linge au sauna avec plongeon dans le lac…même si le sèche-linge inefficace nous laisse avec une encombrante montagne de linge humide. Les forêts à perte de vue, pins, épicéas, bouleaux enserrent les lacs, les marais, les maisons. Constituant l’univers environnant, elles expriment les nuances du climat et du sol. A Tankavaara, un sentier botanique, en réserve intégrale, permet la découverte profonde des sphaignes dans un marais en pente, des arbres à la forme caractéristique de «bougie » pour mieux résister à la neige, des bouleaux rachitiques…Camping « Lapin Orava », quel accueil ! Nous découvrons le sauna au poêle à bois traditionnel, où l’on met ses bûches, séance toujours suivie des plongeons revigorants dans le lac. Jeudi 14 août, Happy Birthday Philippe, après hésitations, nous optons pour une journée en canoë : la «descente »  de la Puhajoki  organisée avec le camping, pour 30 euros par bateau.Les rameurs s’insinuent dans les herbes, louvoient délicatement entre les nénuphars. Tranquillement, au fil de l’eau, la nature profonde se dévoile : une journée de rame, de pêche, de solitude, de découverte…agrémentée, en soirée, par la fête originale de mon anniversaire et de ses cadeaux lapons appréciés, du Pulka (couteau) au CD de musique authentique.

A Pyhatunturi, nous dédaignons la station de ski, trop en herbe à notre goût, pour le sentier botanique et le défilé d’Isokuru, encore que le terme de sentier semble inadapté pour ces cheminements peaufinés avec planches, escaliers, aires de pique-nique équipées avec des tables,  du bois, une hache…quel confort inhabituel ! L’accès surprend, une piste pentue et nous atteignons l’agréable camping « Jyrava », en bordure du Parc Naturel d’Oulanka. Confortablement installés au bord du lac, un feu nous permet de faire griller les saucisses, les patates et les poissons  pêchés par les garçons… que de bons repas, rustiques, chaleureux, dignement rehaussés de Lapin Kulta (la bière locale), hautement appréciée après le sauna et le bain devenus maintenant traditionnels. Nouvelle rando, le petit circuit de l’ours, d’une douzaine de kilomètres, représente un des must finlandais. Partants à pied du camping, nous pénétrons bientôt dans ce parc naturel d’exception. L’ambiance est donnée par une première passerelle suspendue, par la suite, le sentier serpente dans les forêts et les marais, suit les torrents, grimpe les falaises. Une profusion de myrtilles assure l’énergie et les haltes permettent de profiter des panoramas, tout particulièrement superbes aux rapides de Jyrava ou à la falaise de Kallioportti.

Lundi 18 août, après une journée cool, décision est prise de rentrer par la Suède. En chemin, un arrêt rapide à Rovaniemi  pour constater que le Père Noël est parti en vacances, et moi qui avais quelques comptes à régler avec lui, j’attendrai ! Un KKKK pour refaire des réserves et les routes suédoises se déroulent aisément, rapides en dépit de secteurs en travaux parfois importants. Après une nuit vers Ornskoldsvik, nous atteignons Stockholm et son Autocamper, très pratique (150 KS la nuit), situé sur la petite île de Langholmen, au NW de Soderman. Le métro nous permet d’atteindre et de visiter facilement la vieille ville, le palais, les quais, le tout agrémenté d’un restaurant dans Stora Nygatan. Une ville étonnante par sa multitude d’îles, ses bateaux, ses maisons cossues, voire massives, ses couleurs nordiques, lovée dans un écrin d’arbres, de mer et de verdure. Encore de l’inédit dans le Vasamuseet ! Ce navire, le Vasa, a bénéficié d’une histoire ubuesque : coulé le jour de sa mise à l’eau, au bout de quelques centaines de mètres, enfoui dans la vase et renfloué plus de 3 siècles après. Ses défauts de conception l’ont ainsi rendu mondialement célèbre et sa mise en valeur a permis la création d’un musée original, très riche en connaissances historiques. Notre dernière étape transparaît presque comme un condensé du séjour. Le Légoland, à Billund (DK), concentre la détente des jeunes dans son parc d’attraction et le plaisir des yeux de tous dans ses créations en Légo. Féerique ! Nous restons tous de grands enfants devant les maquettes, réalistes, colorées, animées de Copenhague ou de Bergen, de l’Ecosse ou du Japon, de l’aéroport à l’écluse à 3 niveaux…de la réalité au rêve ou l’inverse !

La traversée de l’Allemagne apparaît toujours aussi délicate, par sa densité de circulation. Et dès la France, nous nous jetons goulûment sur le pain et les viennoiseries, tous appréciant, à leur juste prix, les saveurs «bien de chez nous ». La chaleur s’insinue peu à peu, étonne par ses effets sur les prés, nous surprend dans nos habitudes et nous incite à la baignade (halte à l’Etang de Bertaud vers le Creusot). Dimanche 24 août, après 9.887 km, nous atteignons Pompertuzat dans la grande banlieue toulousaine. Certes la Norvège a également battu ses records, relatifs, de chaleur. Mais, en l’absence de toute information, la sécheresse de l’été nous cueille «à froid » et à l’arrivée dans notre jardin nous mesurons l’ampleur et la durée de la canicule estivale, en lisant les journaux et regardant les environs. Un choix gagnant ! Nous avons ainsi pu apprécier, sous le soleil, sans moustique, avec confort et chaleur, les atouts scandinaves et lapons. Le Cap Nord, symbolique a été atteint, et même son alter ego. Mais ce sont surtout les subtilités du trajet, les étapes exceptionnelles des Lofoten et de Laponie, l’ambiance active, voire animée, de ces semaines familiales et conviviales qui font toute la richesse et la réussite de ce voyage.

 Philippe Le 31/08/2003

Publié dans Camping-Car

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